La kommounalka, c'est dabord un long couloir, rarement éclairé, regorgeant d'objets tout aussi étranges, magiques et inutiles les uns que les autres. Ce couloir a toute une vie et plusieurs générations y ont laissés leurs traces: des luges cassées parent les murs, des récipients énormes remplis de liquides douteux font plier les étagères, des boîtes de jouets cassés prennent la poussière dans un coin, des armoires pleines de vêtements jamais portés empestent le renfermé, des paires de chaussures incomplètes s'entassent avec des pelotes de laine et des câbles gardés "au cas où", des vélos d'enfants. Les petits pilotes se lancent dans le couloir comme sur une piste de course automobile, à toute vitesse...Bienvenue dans la kommounalka-type sous l'URSS! Entrez, et fermez vite la porte derrière vous, on ne sait pas ce que les voisins pourraient raconter...
Un tas de chambres bordent ce long couloir exigü qui donnent sur la cuisine et les toilettes que se partagent plusieurs familles. Chaque matin, c'est le même rituel: une vingtaine de personnes se disputent les seules toilettes de l'appartement. Les familles se partagent aussi le téléphone, encrassé par toutes ces mains poisseuses et ces oreilles huileuses. Les murs sont recouverts d'étagères qui croulent sous le poids de livres que personne n'a jamais lus. La porte d'entrée est placardée de notes sur lesquelles figurent les noms des familles occupant l'appartement et les instructions correspondantes: "Ivanov: sonnez trois fois", "Kazakov: frappez fort une fois" ou encore "Lazarev: sonnez deux fois longuement puis une fois rapidement." Dans les toilettes trône une pancarte avec un rappel: "Camarades! N'oubliez pas que vous ne vivez pas seuls! Des gens attendent leur tour!"
Le plus souvent les résidents vivent en bonne entente, s'entraident, se confient leurs enfants à tour de rôle, passent leur temps libre et leurs weekends ensemble; la cuisine sert de salon où l'on discute de tout et de rien. Les jours de fête réunissent tout le "petit" monde autour de la table et autant d'années de cohabitation transforment tous ces voisins en une grande famille où tous partagent les mêmes problèmes, les mêmes passe-temps et les mêmes intérêts.
Les cafards c'est toute une histoire. En vérité c'est une véritable invasion. Ils sont partout et il y en a de toutes les sortes: des petits, des gros, des très gros, avec des ailes, des rouges, des noirs... La nuit on les entend galoper sur le parquet, sous les lits, sur les murs. On peut même les apercevoir le long des fenêtres à la lumière des lampadaires. On les traque désespérément, on pose toutes sortes de pièges dans tous les recoins, on en coince quelques uns mais inévitablement la relève contre-attaque. Alors on se lance à leur poursuite, chausson à la main, prêt à les écraser avant qu'ils ne rejoignent leur campement, en vain. Toujours vaincus, les résidents n'ont d'autre choix que de se résoudre à cohabiter avec ces locataires indésirables.
Autre défaite des résidents des kommounalki: la vie privée. Il n'y a tout simplement pas de place pour ça. Chacun connait la vie de ses voisins sous toutes les coutures: leur linge (eh oui dans les kommounalki on lave son linge sale dans la cuisine...), leurs amants, leurs repas, leurs dettes et leurs maladies. Tout le monde dort au rythme de la perquisition de l'un et de la colique de l'autre!
Kommounalka sous l'URSS |
Kommounalka de nos jours |
Kommounalka de nos jours |
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